Il se dit, chez beaucoup, que c’est le passé qui définit ce qu’est un individu. Mais il se dit aussi que les cicatrices du passé, si elles nous rappellent d’où nous venons, elles ne doivent pas nous dire où nous devons aller.
Le présent peut-il survivre au passé, peut-il se libérer du passé, avoir l’espoir de construire un bel avenir quand l’individu se croit condamné à revivre ses souvenirs, ses blessures ? Est-il possible de trouver sa propre voie, son propre chemin, et comment ? C’est ce que nous allons voir ici.
Souvenirs et expériences du passé, prison d’aujourd’hui
Chaque personne va vivre des expériences tout du long de sa vie. Les plus traumatisantes sont celles qui vont laisser des traces, pas au dehors non, mais au-dedans, des traces qui vont affecter (infecter même parfois) la façon de vivre les émotions, les pensées et la conscience et parfois même, avoir un impact sur la santé.
Être au présent, tout en ayant des repères dans le passé, voici un numéro d’équilibriste délicat, d’ailleurs, il est plus de chutes que de vainqueur, si vainqueur il y a.
Être présent en vivant dans le passé, rien de tel pour entraver son estime, sa liberté d’être, sa liberté de penser, sa liberté d’agir, puisque c’est le passé qui décide, et non vous, ici et maintenant.
Il est un fait prouvé depuis un long moment grâce aux recherches en psychologie : si une personne est prise d’angoisse, de panique et qu’elle ne sait l’expliquer, la réponse est à chercher dans son passé et dans le besoin extrême de contrôle et de sécurité.
Si vous voulez être en sécurité, allez en prison. On vous y donnera nourriture, vétements, soins médicaux, etc. Il vous manquera alors que la liberté.
Dwight D. Eisenhower
Quelque chose dans l’ombre, dans l’inconscient
Celui-ci occupe certainement encore une place inconsciente et envoie des signaux d’alerte à la conscience quand l’esprit croit revivre une situation analogue à celle ayant ancré la douleur en lui. Et forcément, il ne veut pas revivre cela.
L’individu reçoit donc un message d’alerte plus ou moins fort (inquiétude, peur, angoisse, panique) afin de l’informer d’un supposé danger imminent.
Mais quel est ce danger ? Dans bien des cas, la personne aura beau chercher, elle ne trouvera rien, et passera son chemin, après tout, ça arrive.
Dans d’autres cas, la peur va peu à peu infecter l’esprit. C’est le cas pour les enfants qui furent violés, battus, maltraités, ou pour les femmes violées, ou pour les accidentés de la route, ou pour les personnes ayant perdu un enfant, ou encore pour toutes les personnes victimes d’humiliation à répétition (école, parents, travail…).
La liste pourrait s’étaler encore longtemps. Je ne donne que les principaux faits, les plus « courants ». Toutefois, d’une personne à l’autre, un fait qui peut sembler insignifiant à l’un peut créer un vrai traumatisme chez l’autre, tout dépend du parcours de vie et de la façon dont l’individu s’est construit.
Répondre par le passé à ce qui se passe maintenant
Toujours est-il que de façon très souvent inconsciente, un individu va répondre à une expérience du présent en utilisant une réponse liée à son passé.
Prenons un enfant qui aura été humilié des années par l’un de ses parents. Chaque remarque déclenchera chez lui un sentiment d’incapacité, de honte, et de colère à son encontre.
Non que la remarque soit blessante ou humiliante, seulement, cet individu va utiliser ses émotions passées pour répondre à ce moment présent, raison pour laquelle il peut entrer dans une colère féroce ou bien se replier totalement sur lui-même.
Une femme qui fut violée dans son enfance, ou même plus tard, aura du mal à renouer avec la confiance en elle, avec la confiance en l’autre, et pourra se sentir violemment oppressée sans qu’il soit possible de comprendre pourquoi pour qui ne sait rien de l’existence de cette expérience qu’elle a vécue.
Sommes nous les traces, et uniquement cela ?
Ainsi, chaque expérience laisse une trace en nous, elle modifie nos croyances, elle peut modifier notre identité, changer notre façon de voir le monde, de vivre le monde qui est le nôtre.
Sans le savoir, de nombreux individus vivent avec le souvenir douloureux d’un passé très présent en eux, leur cerveau, conçu pour les protéger, est resté bloqué dans le temps et fait tout pour les protéger d’un danger qui n’existe plus.
L’enfant battu ne vit désormais plus avec ses parents, pourtant, tous ses réflexes sont conditionnés pour répondre à ce danger. La femme violée n’est plus en présence de son agresseur, pourtant, la présence d’un homme, ou un lieu en particulier, un bruit, la replonge dans ce moment-là, le faisant revivre au moment présent.
Oui, se retrouver, dépasser les douleurs, cela demande du courage, c’est le prix de la libération émotionnelle, le prix d’un retour à une vie saine, plus paisible.
Un jour sans fin et la soif de justice
Pour l’inconscient, l’histoire se répète encore et encore, il est donc dans un état de vigilance, parfois extrême afin de nous éviter de revivre cette douleur, ces émotions. Il n’oublie pas et nous prépare à mener des actions, comme fuir face à quelque chose qui lui dit que le danger est imminent.
Foutue mémoire ! L’individu peut croire que tout cela est terminé, et pourtant, quelque chose le renvoi vers le passé, encore et encore.
Le souci, c’est que la personne veut qu’on lui rende justice, qu’on lui rende ce qu’on lui a pris. Mais voilà, c’est impossible. Et tant que cela n’est pas accepté, le travail naturel de résilience ne peut réellement se faire.
On peut mettre tout ça dans sa poche et se dire que c’est fini, mais la douleur, elle, persiste, et la façon dont l’individu va se construire après le traumatisme va porter cette empreinte, ce qui va finir par véroler sa façon d’être, de penser et d’agir.
Ce qui est, est
Il se retrouve pris dans une espèce de faille temporelle. Une partie de lui ne cesse de réagir au passé. Au présent, il refuse d’accepter le passé, et il espère que demain sera son sauveur. Seulement, son futur est déjà infecté par sa façon d’être ici et maintenant et par les traumatismes du passé.
Eckhart Tolle, dans le pouvoir du moment présent, dit « ce qui est, est, et qu’il est inutile de lutter contre ce qui est ». Nous pouvons ajouter que « ce qui a été, a été, c’est arrivé, et lutter contre est vain ».
J’en ai longtemps voulu à mon passé, à mes parents, pour tout ce que j’ai vécu. Durant 17 ans, j’ai vécu l’enfer. Et durant les 17 années qui suivirent, j’ai fait tout et n’importe pour me débarrasser de cet encombrant passé, sans jamais y parvenir.
C’est que je vous explique dans ce document manuscrit à télécharger en bas de page, vous y trouverez le chemin qui fut le mien.
Durant ces 17 années, j’ai tenté de croire que mon passé était derrière moi, que voilà, c’était terminé. J’arrivais à en parler sans plus de douleur que cela, sans émotions particulières.
J’avais même écrit un carnet entier sur le sujet (c’est ce que je croyais). Je pensais donc m’être libéré du passé.
La magie et le pouvoir des mots
Et puis non. Parce que j’étais de plus en plus angoissé, de plus en plus mal. Un jour, alors que j’étais secoué par une angoisse matinale (se lever angoissé, c’est vraiment désagréable), j’ai pris mon stylo, et j’ai commencé à écrire ce que je ressentais.
Et là, ce fut comme magique. Les mots venaient sans effort, je ne m’arrêtais plus. J’ai écrit durant deux heures. Au bout de cette séance, je me suis senti apaisé. J’ai souffert durant ces deux heures, j’ai revécu les émotions, et surtout, j’ai compris ce qui me faisait souffrir.
Alors, j’ai tout laissé venir à moi, et jours après jour, durant des semaines, j’ai pris mon stylo, et chaque matin était une séance dédiée à l’écriture, j’ai rédigé presque 500 pages (et des centaines de fautes de grammaire).
J’ai découvert comment mon esprit fonctionnait, ce qu’il croyait, comment il avait tissé des liens entre les évènements, ce que je pensais de moi dans mon inconscient. Et je n’ai pas toujours été fier de moi.
J’ai compris mes mauvais choix, j’ai compris pourquoi j’avais fait ces choix, mais j’ai compris que ce n’était qu’en acceptant que tout ceci fût arrivé que je commençais à me sentir plus libre du passé.
J’ai aussi découvert des trésors. J’ai découvert quelles furent les forces qui m’ont aidé à ne pas sombrer totalement, parce que malgré tout, si l’on perd quelque chose, il n’est pas rare qu’on l’on y gagne autre chose.
Cela peut sembler fou et totalement hors de propos lorsque la souffrance est encore bien vive, toutefois, c’est une réalité. Grâce à la résilience, nous gagnons quelque chose. C’est un troc. Une douleur immense pour une vie plus riche.
Ce qui est perdu l’est pour toujours, alors, on fait quoi ?
Aucun individu ne retrouvera ce qu’il a perdu. Aucun. Et rien ne rend à quiconque ce qui est perdu. Aussi intense soit la douleur, aussi immense que la perte puisse être, rien ne rendra ce qui est perdu dans les limbes du passé.
Là où se trouve une ruine, il y a l’espoir d’un trésor.
Djalâl ad-Dîn Rûmî
En revanche, rien n’interdit à personne de continuer à vivre, de s’inventer autrement, et d’être heureux à nouveau. Souffrir toute une vie ? Qui mérite de s’infliger une telle pénitence ?
Vous le lirez dans le document manuscrit en bas de page, je m’en suis voulu de ne pas avoir su être aimé de mes parents. J’ai longtemps endossé une responsabilité qui n’était pas la mienne, et vécu avec des souffrances que j’ai entretenues à mon propre insu.
Écrire, c’est pour moi (et bien des personnes de par le monde) la méthode qui m’aura le plus aidé, et m’aide encore aujourd’hui, à mieux me comprendre, à prendre du recul sur mes émotions, mes comportements. Écrire est un outil très puissant.
J’ai donc écrit à ma mère, à l’enfant que j’étais, à l’enfant qui continue de vivre en moi, à cette mère dont les croyances vivent en moi (pour peu à peu les faire évoluer vers ce j’ai moi envie de croire). Je peux passer pour un barjot, mais aujourd’hui, je suis un barjot qui va bien !
C’est un travail qui se fait en douceur, avec compassion, avec tendresse aussi. Et être tendre avec moi, voilà quelque chose que je ne connaissais pas. Et c’est étrange comme cela fait du bien. Chacun devrait essayer, vraiment ( :
Alors, on ne se libère jamais vraiment du passé, il est et sera toujours là. En revanche, chacun à le pouvoir et le choix de pouvoir changer sa relation à son propre passé. Et en cela, l’écriture est une méthode qui permet de faire un travail de fond tout en douceur et en donnant des résultats rapides.