Voilà pourquoi on s’accroche à ce qui fait mal
Et si, au fond, ça nous rassurait ?
La douce souffrance. Quand tout part en vrille, on croit qu’on devrait chercher le réconfort, la lumière, les solutions. Et pourtant… on s’accroche. Aux blessures. Aux doutes. À ce qui fait mal.
Pourquoi ? Pourquoi on continue de ruminer, de se replonger dans ce qui nous fait mal, comme si on voulait prolonger la douleur ?
Parce que parfois, ce qui nous fait mal… nous semble plus familier que ce qui pourrait nous libérer.
Quand tu n’as connu que la peur, l’humiliation, la pression ou l’oubli… le calme, la joie, la paix peuvent faire peur. Vraiment peur. Parce que tu ne sais pas quoi en faire. Parce que t’as pas appris à les reconnaître comme des refuges.
Alors, dans le chaos, tu te raccroches au connu : la souffrance.
1. Parce que la souffrance donne l’illusion de contrôler
😔 “Si je ressens, c’est que j’existe”
On a tous ce réflexe : quand ça va mal, on pense plus, on ressent plus, on vit plus intensément.
La douleur devient une forme de présence.
Et dans un monde où l’on t’a appris à ne pas déranger, la douleur est parfois le seul truc que tu n’as pas besoin de justifier.
C’est paradoxal, mais ressentir du malheur devient une manière de rester ancré.
Tu te dis :
- “Je veux comprendre.”
- “Je veux trouver la cause.”
- “Je veux que ça s’arrête… mais pas trop vite.”
Parce que si ça s’arrête, tu fais quoi, toi ?
Tu devras affronter le vide. Et peut-être pire : la responsabilité de ce que tu vas faire de la suite.
2. Parce que s’accrocher à la douleur, c’est rester fidèle
🧱 À une histoire, à une version de soi
Tu as grandi dans le silence, la critique, les injustices ?
Tu t’es construit·e avec ça. Tu t’es structuré·e autour de cette douleur.
Et inconsciemment, tu t’y es attaché·e.
Pas par masochisme. Par loyauté.
À ce que tu as traversé. À l’enfant que tu as été.
À cette part de toi qui s’est battue sans qu’on le voie.
Alors quand la vie va mieux, que les choses s’apaisent un peu… tu culpabilises.
Tu te dis :
- “J’ai pas le droit d’aller bien.”
- “Et si je souffre moins… est-ce que je trahis celle ou celui que j’ai été ?”
C’est ce qu’on appelle en psychanalyse la fidélité invisible (Boszormenyi-Nagy). Une forme de loyauté aux blessures passées, aux absents, aux humiliés de notre lignée ou de notre histoire.
3. Parce que la souffrance est un refuge… toxique mais connu
🕳️ Mieux vaut un enfer connu qu’un paradis incertain
Quand tu as passé ta vie à encaisser, à serrer les dents, à survivre…
le jour où la paix frappe à la porte, tu doutes. Tu trembles.
Tu t’accroches à ce que tu connais.
Tu ressasses. Tu revis les disputes. Tu cherches ce qui ne va pas. Tu veux “comprendre”.
Mais ce n’est pas la vérité que tu veux.
C’est rester dans un territoire que tu maîtrises, même s’il te détruit.
C’est ce que la psychologue Susan Anderson appelle “l’attachement à la douleur” : une façon de retrouver un point d’appui émotionnel, même bancal.
4. Parce qu’on pense que lâcher, c’est fuir
💬 “Je veux aller mieux… mais je ne veux pas oublier.”
Lâcher la douleur, ce n’est pas trahir ton passé.
Ce n’est pas faire comme si de rien n’était.
Ce n’est pas dire “c’est fini, passons à autre chose.”
C’est dire : ça a compté, ça m’a forgé… mais je veux vivre autrement maintenant.
Mais pour beaucoup d’entre nous, aller mieux, c’est suspect.
Ça voudrait dire :
- qu’on tourne le dos à ce qui a été dur
- qu’on “passe à autre chose”
- qu’on fait comme si “ça n’avait pas compté”
Et donc on résiste. On s’accroche.
Pas à cause du plaisir de souffrir. Mais par peur de trahir.
5. Ce que tu peux faire, maintenant
🛠️ Autorise-toi à désapprendre
Tu n’as pas besoin de tout comprendre pour avancer.
Tu peux :
- écrire ce que tu ressens sans chercher à analyser
- reconnaître ce qui fait mal sans y retourner en boucle
- nommer ce qui est vrai sans t’y enfermer
Rappelle-toi ce que Boris Cyrulnik répète souvent :
“On peut vivre avec la souffrance… mais on n’est pas obligé d’y habiter.”
Ce que tu ressens est réel. Mais ce n’est pas une condamnation.
Tu as le droit de vouloir autre chose.
Tu peux honorer ce que tu as vécu sans t’y accrocher comme à une identité.
Tu peux avancer, même en tremblant.
Tu peux lâcher la douleur, pas parce qu’elle ne compte pas, mais parce que toi, tu comptes encore plus.