🧨 Quand le coach devient prédicateur
Une frontière floue, un glissement insidieux
Il suffit parfois d’un rien. Une salle qui t’écoute avec admiration. Un client qui te remercie en larmes. Une phrase qu’on te répète : “Tu as changé ma vie.”
Et doucement, sans que tu t’en rendes compte :
Tu ne guides plus.
Tu proclames.
Tu ne proposes plus.
Tu imposes.
Le coaching, à la base, c’est une main tendue. Un miroir posé avec respect. Un espace pour que l’autre trouve ses propres réponses.
Mais pour certains, c’est devenu un pupitre.
Une scène.
Une chaire.
Et là, quelque chose bascule.
Le coach : de l’accompagnant… au prophète
📢 Quand ton “Pourquoi” devient une Vérité
Tu avais un Why, une mission de vie sincère. Tu voulais aider, accompagner, partager ce que tu avais compris.
Mais à force d’avoir raison, tu finis par croire que les autres ont tort.
Et c’est là que ça pue.
Carl Rogers, pionnier de l’approche centrée sur la personne, disait :
“Chaque individu a en lui les ressources nécessaires pour se comprendre et changer.”
Pas “le coach”. L’individu.
Mais aujourd’hui, certains coachent avec un micro et des certitudes.
Ils balancent des vérités toutes faites, comme s’il y avait une bonne manière d’être libre, une bonne façon de réussir, un bon chemin pour “se reconnecter”.
Et l’élève, au lieu de se sentir libre, se sent jugé.
🔥 Le feu sacré ou la dictature du sens
Ceux qui ont traversé une épreuve — burn-out, deuil, divorce, violence — ont souvent une envie sincère de transmettre.
Mais ce vécu devient parfois une grille de lecture universelle.
Et si tu ne passes pas par les mêmes étapes, tu es “en résistance”.
Tu n’as “pas encore compris”.
Tu es “bloqué dans ton mental”.
C’est dangereux.
Parce que ça réactive la honte chez le client.
Et parce que le coach ne se rend même plus compte qu’il projette son propre chemin comme un modèle.
Le pouvoir : ce piège à égo bien planqué
😇 De l’humilité affichée à l’autorité déguisée
Ils te parlent d’authenticité, de vulnérabilité, d’alignement.
Mais au fond, c’est eux qu’ils veulent qu’on suive.
Et ils s’en défendent !
Ils t’expliqueront qu’ils ne veulent surtout pas être des gourous.
Mais observe-les : ils contrôlent les retours, choisissent les témoignages, et répondent aux objections avec des vérités qui claquent.
👉 Et toi, tu doutes.
Tu te dis : “Si je ressens un malaise, c’est sûrement que je ne suis pas prêt.”
Non.
Peut-être que ton corps t’envoie un signal.
Que ce discours ne respecte pas ta complexité.
Que ce “coach” parle à ton besoin de sécurité… mais en échange de ta liberté.
🧠 Le vernis du dev perso, la mécanique du religieux
Quand un coach :
- emploie un vocabulaire initiatique (“réaligné”, “freins inconscients”, “travail d’ombre”)
- t’invite à te remettre en question, mais jamais lui
- crée une dépendance douce (“reviens me voir quand tu es prêt à entendre la vérité”)
… tu n’es plus dans un accompagnement.
Tu es dans une doctrine.
Un discours dogmatique ne laisse pas de place à la nuance, à l’ambivalence, à la liberté intérieure.
Il enferme. Même s’il prétend libérer.
Ce que tu peux surveiller (et éviter)
🛑 Les signes que le coach dérape
- Il a toujours une réponse, rarement une question
- Il parle plus de lui que de toi
- Il confond confrontation et humiliation
- Il te dit que tu “résistes” si tu ne valides pas son cadre
- Il crée un jargon qui empêche la pensée critique
- Il glorifie les transformations spectaculaires, mais minimise les micro-avancées
Rappelle-toi : ce n’est pas à toi de correspondre à son cadre.
C’est à lui d’adapter le cadre pour que tu puisses t’y sentir libre.
🧭 Et toi, si tu accompagnes, où en es-tu ?
- Est-ce que je parle pour inspirer… ou pour être admiré ?
- Est-ce que je crée un espace… ou une hiérarchie ?
- Est-ce que je laisse l’autre respirer… ou est-ce qu’il me doit quelque chose ?
Le retour à l’essentiel : accompagner, pas évangéliser
Un bon coach, c’est pas celui qui t’en met plein la gueule.
C’est celui qui te ramène à toi.
Qui sait dire : “Je ne sais pas.”
Qui t’aide à penser, pas à répéter.
Claire, notre persona, ne cherche pas un messie.
Elle cherche un espace vrai, sans décor, sans posture.
Un lieu où elle n’a pas à performer son cheminement.
Où elle peut être lucide, lente, fatiguée, mais respectée.
Comme le dit le psychologue Irvin D. Yalom :
“Ce qui aide, ce n’est pas la solution du thérapeute, c’est le lien humain, la vérité partagée, la présence.”
Alors si tu accompagnes, accompagne.
Reste en bas, avec eux.
Dans la boue, parfois. Dans le flou, souvent.
Mais avec la lampe frontale, pas le projecteur de scène.
Souviens-toi :
Tu n’es pas là pour convertir. Tu es là pour éclairer.
Et parfois, la plus belle lumière, c’est celle qui permet à l’autre de voir par lui-même.