Valeurs, convictions, émotions : ce qui te définit vraiment
On aime croire qu’on se connaît. Qu’on agit en accord avec nos valeurs, qu’on défend nos convictions, qu’on maîtrise nos émotions. En vrai, c’est souvent un joyeux bordel. Parce que ces trois-là ne tirent pas toujours dans le même sens.
Et c’est justement là que tout se joue : dans l’écart entre ce qu’on dit vouloir, ce qu’on croit, et ce qu’on ressent.
Les valeurs : ton socle, ou ton alibi ?
Les valeurs, c’est ce que tu prétends être quand personne ne regarde. Elles parlent de ton identité profonde, de ce que tu juges inacceptable ou sacré. C’est ton ancrage. Tes repères. Mais parfois, ce socle n’est pas le tien : il vient de ta famille, de ton éducation, de la société.
Tu dis “je crois en la loyauté”, mais en vrai, tu confonds peut-être loyauté et peur de décevoir. Tu dis “je valorise la liberté”, mais tu restes enfermé dans des schémas pour être aimé. Tes valeurs héritées deviennent alors une prison dorée : tu crois être toi, alors que tu reproduis juste ce qu’on t’a inculqué.
Spinoza dirait que rien n’est bon ou mauvais en soi, que tout dépend du regard que ton esprit pose sur le monde. Tes valeurs sont ce regard. Elles ne disent pas ce qui est juste, mais ce qui t’importe vraiment. Et ça, c’est un putain de point de départ pour te connaître.
Les convictions : la façade ou la foi
Les convictions, c’est ce que tu assumes devant les autres. C’est ton système de défense. Tes valeurs, c’est ton squelette ; tes convictions, c’est ton armure. Tu te bats pour elles, tu veux convaincre, tu veux croire que tu contrôles. Nietzsche le disait : “Il est plus facile d’obéir à autrui que de se commander soi-même.”
Et nos convictions, souvent, servent à ça : à se rassurer, à se tenir debout dans le chaos.
Mais attention : tes convictions ne sont pas toujours le reflet de tes valeurs. Elles traduisent ce que ton mental juge cohérent, pas forcément ce que ton cœur ressent.
Tu peux prôner la tolérance et juger sans pitié. Tu peux dire croire en la paix, mais vivre dans la tension. Parce qu’une conviction, c’est une idée figée — une valeur, c’est une direction vivante.
Quand tes convictions étouffent tes émotions, tu deviens rigide, cassant, froid. Tu t’accroches à des vérités pour éviter de sentir. Et c’est là que tout se désaccorde.
Les émotions : la vérité nue
Les émotions, elles, s’en foutent de ton storytelling. Elles te balancent la vérité sans filtre. Elles ne mentent jamais. Elles sont ton GPS intérieur : elles te montrent quand tu vis en accord avec tes valeurs, et quand tu les trahis.
Tu sens de la colère ? Regarde ce qui a été piétiné. Tu ressens de la honte ? Observe la distance entre ce que tu montres et ce que tu vis. Tu pleures sans raison ? C’est ton corps qui te signale que ton esprit ment depuis trop longtemps.
L’émotion, c’est la preuve vivante que ton système intérieur cherche l’alignement.
Comme le dit Aristote, “Bien vivre, c’est accomplir notre fonction intérieure unique : raisonner.” Mais raisonner sans écouter tes émotions, c’est raisonner à moitié. Ton mental t’explique. Ton émotion, elle, te révèle.
Quand les trois s’accordent : le putain de moment juste
Quand tes valeurs, tes convictions et tes émotions s’alignent, ça fait un putain de déclic. Un truc fluide, évident, presque simple. C’est le moment où tu ne luttes plus contre toi-même.
Tu parles et tu ressens que c’est juste. Tu agis sans te forcer. Tu sens la paix dans le ventre, même si tout autour, c’est encore flou. C’est ce que Viktor Frankl appelait “le pourquoi qui te permet de supporter n’importe quel comment.”
C’est rare, cet alignement. Parce qu’il demande du courage. Le courage de remettre en question ce qu’on croyait “évident”. De reconnaître que certaines convictions ne sont que des boucliers.
Et que certaines valeurs doivent être réécrites, pour coller à qui tu es devenu, pas à qui tu devais être.
Ce que ça dit de toi
Si tes émotions débordent, c’est peut-être que tes convictions te mentent. Si tu te sens vide, c’est que tes valeurs ne nourrissent plus ta vie. Et si tu es apaisé sans raison, c’est que, pour une fois, tout est à sa place.
Ce que ça raconte de toi ? Que tu es vivant, tout simplement. Que tu cherches la cohérence entre ce que tu penses, ce que tu crois, et ce que tu ressens. Et que c’est ça, le vrai boulot : se réaccorder.
Parce qu’au fond, comme le dit Camus, “Le sens de la vie, c’est la plus pressante des questions.”
Et cette question-là, tu ne la résous pas en lisant des citations inspirantes. Tu la vis, tu la traverses, tu la ressens.
Un jour, tout s’aligne — pas parce que t’as trouvé la réponse, mais parce que t’as arrêté de fuir la question.



