Somatisation, ton corps à un truc à te dire

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Quand ton corps parle à ta place

Tu as mal au ventre avant chaque réunion importante. Des migraines qui surgissent pile quand tu dois affronter une situation stressante. Une oppression dans la poitrine qui te coupe le souffle sans raison médicale. Des douleurs dans le dos qui apparaissent mystérieusement après une dispute.

Tu as fait tous les examens. Prise de sang, scanner, échographie, IRM. Résultats : rien. Tout est normal. Les médecins te regardent avec cet air qui veut dire “c’est dans votre tête”. Et toi, tu te sens incompris. Parce que ta douleur, elle, elle est bien réelle. Elle te pourrit la vie. Elle t’empêche de dormir. Elle te handicape au quotidien.

Bienvenue dans le monde de la somatisation. Ce processus inconscient par lequel ton corps transforme ta souffrance psychologique en symptômes physiques. Quand tes émotions n’ont pas d’autre moyen de sortir que par ton corps.

Et non, ce n’est pas “dans ta tête”. C’est dans ton corps. Parce que ton corps, justement, c’est là qu’il a décidé de exprimer ce que tu n’arrives pas à dire avec des mots, avec ta tête. Alors, oui, c’est, au départ, dans ta tête, mais là haut, ça coince. Alors, le corps prend la main.

Ce que ton corps essaie de te dire

La somatisation, c’est le langage du corps quand les mots ne suffisent plus. Ou quand ils ne peuvent tout simplement pas sortir.

Imagine. Tu es enfant. Tu vis dans une famille où on n’exprime pas ses émotions. On ne dit pas qu’on a peur. On ne dit pas qu’on est triste. On ne dit pas qu’on est en colère. On serre les dents. On fait bonne figure. On garde tout à l’intérieur.

Sauf que ces émotions, elles ne disparaissent pas. Elles ne s’évaporent pas. Elles s’accumulent. Elles cherchent une sortie. Et si elles ne peuvent pas passer par la parole, elles passent par le corps.

C’est ça, le mécanisme de défense inconscient de la somatisation. Ton cerveau, débordé par une charge émotionnelle qu’il ne peut pas traiter, qu’il ne peut pas verbaliser, la déplace. Il la transforme en signal physique. Parce que bizarrement, dans notre société, avoir mal au ventre, c’est plus acceptable que de dire “j’ai peur”.

Le psychiatre Pierre Marty, fondateur de l’École Psychosomatique de Paris, parlait de “pensée opératoire” : cette incapacité à élaborer psychiquement ses émotions qui conduit le corps à prendre le relais. Quand ta vie mentale est pauvre en mots pour dire ce qui se passe à l’intérieur, ton corps devient le porte-parole de ta détresse.

Les mille visages de la somatisation

La somatisation peut toucher n’importe quelle partie de ton corps. Vraiment n’importe laquelle. Parce que chacun a son propre langage corporel, son propre système pour exprimer ce qui ne va pas.

Les manifestations les plus courantes :

  • Troubles digestifs : maux d’estomac, nausées, syndrome de l’intestin irritable, diarrhées ou constipation chroniques
  • Douleurs musculaires : tensions dans la nuque, mal de dos persistant, douleurs articulaires sans cause
  • Migraines et céphalées qui apparaissent dans les moments de stress
  • Problèmes de peau : eczéma, psoriasis, urticaire, poussées d’acné
  • Troubles cardio-respiratoires : palpitations, sensation d’oppression, difficultés à respirer
  • Fatigue chronique inexpliquée qui ne passe pas malgré le repos
  • Troubles du sommeil : insomnies, réveils nocturnes, sommeil non réparateur

Et on retrouve même ces expressions dans le langage courant. “J’en ai plein le dos”, “Ça me reste en travers de la gorge”, “J’ai du mal à digérer cette situation”, “Ça me prend la tête”. Ton corps parle. Littéralement.

Pourquoi toi tu somatises et pas les autres

Tout le monde somatise à un moment donné. Avoir la boule au ventre avant un examen, c’est de la somatisation. Avoir des nausées avant un entretien d’embauche, c’est de la somatisation. Avoir des maux de tête après une dispute, c’est de la somatisation.

Mais chez certaines personnes, ça devient chronique. Ça devient leur mode d’expression par défaut. Pourquoi ?

L’éducation d’abord. Si tu as grandi dans un environnement où l’expression des émotions était interdite, réprimée, ignorée, tu as appris très tôt que tes émotions n’étaient pas les bienvenues. Alors ton corps a pris le relais. Parce qu’un enfant malade, on s’en occupe. Un enfant qui pleure, on le réprimande.

Le trauma ensuite. Les personnes ayant vécu des événements traumatiques, des chocs émotionnels, du stress chronique, sont plus susceptibles de somatiser. Parce que leur système nerveux est en surcharge. Parce que leur capacité à mentaliser leurs émotions est débordée.

L’alexithymie aussi. Ce terme barbare désigne la difficulté à identifier et exprimer ses émotions. Certaines personnes ont du mal à mettre des mots sur ce qu’elles ressentent. Pas parce qu’elles ne veulent pas. Mais parce qu’elles n’ont jamais appris. Alors leurs émotions passent directement dans le corps.

Les bénéfices secondaires enfin. Parfois, inconsciemment, être malade apporte quelque chose. De l’attention. De la sollicitude. Une excuse pour ne pas affronter certaines situations. Ce n’est pas conscient. Ce n’est pas volontaire. Mais ça peut maintenir la somatisation.

Le cercle vicieux médical

Tu somatises. Tu as mal. Tu vas chez le médecin. Il fait des examens. Rien. Il en fait d’autres. Toujours rien. Au bout d’un moment, tu sens qu’il ne te croit plus. Qu’il pense que tu inventes. Ou que “c’est psychologique” – ce qu’il dit avec un ton qui sous-entend “ce n’est pas réel”.

Mais ta douleur EST réelle. Ce n’est pas parce qu’on ne trouve pas de cause organique que ta souffrance n’existe pas. Le problème, c’est qu’on cherche au mauvais endroit.

Selon une étude, 33% des plaintes présentées aux médecins généralistes sont des symptômes médicalement inexpliqués. Et dans 65% des demandes de consultation en médecine de spécialité. C’est énorme. Ça veut dire que la somatisation est beaucoup plus fréquente qu’on ne le pense.

Le problème, c’est que tant qu’on se focalise uniquement sur le corps, on passe à côté du vrai sujet. Ta souffrance psychologique. Ton mal-être émotionnel. Les conflits internes que tu n’arrives pas à exprimer.

Comment arrêter de faire parler ton corps

Première étape : accepter le diagnostic. Oui, ta douleur est réelle. Non, tu n’es pas fou. Oui, c’est lié à ton état psychologique. Et non, ça ne veut pas dire que tu simules ou que tu es faible.

Deuxième étape : mettre des mots sur tes maux. C’est l’expression consacrée et elle n’a jamais été aussi juste. Si tu veux que ton corps arrête de parler à ta place, il faut que tu apprennes à parler toi-même.

Qu’est-ce qui se passe vraiment dans ta vie quand ton corps te fait mal ? Quel stress, quelle angoisse, quelle émotion tu n’arrives pas à exprimer ? Qu’est-ce que tu gardes à l’intérieur ?

Commence par observer. Note les moments où les symptômes apparaissent. Avant quoi ? Après quoi ? Dans quel contexte ? Avec qui ? Ton corps te parle. Il est temps de l’écouter vraiment.

Reconnecte-toi à tes émotions. Si tu ne sais pas ce que tu ressens, commence par là. “Est-ce que je suis triste ? En colère ? Anxieux ? Frustré ?” Pose-toi la question. Même si au début tu ne sais pas répondre. C’est un muscle à entraîner.

Sors des non-dits. Dans ton couple. Dans ton boulot. Avec ta famille. Combien de choses tu gardes pour toi ? Combien de fois tu ravales ce que tu voudrais dire ? Chaque non-dit, c’est du carburant pour la somatisation.

Fais-toi accompagner. Par un psychologue. Par un psychothérapeute. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) a prouvé son efficacité dans le traitement de la somatisation. Elle t’aide à identifier les pensées et émotions sous-jacentes. Elle t’apprend à les exprimer autrement que par ton corps.

Pratique la relaxation. Méditation, yoga, cohérence cardiaque, sophrologie. Tout ce qui peut calmer ton système nerveux et te reconnecter à ton corps. Parce que souvent, quand on somatise, on est complètement coupé de nos sensations corporelles. On ne les perçoit que quand elles font mal.

Bouge ton corps. L’activité physique aide à libérer les tensions accumulées. À évacuer le stress. À reconnecter ton mental et ton physique. Marche. Cours. Danse. Trouve ce qui te fait du bien.

Et parfois, un traitement médicamenteux peut aider. Si tu es dans une dépression masquée, si ton anxiété est trop envahissante, des antidépresseurs peuvent soutenir le travail psychologique. Ce n’est pas une béquille. C’est un outil.

Ton corps n’est pas ton ennemi

La somatisation, ce n’est pas ton corps qui te trahit. C’est ton corps qui essaie désespérément de te faire comprendre quelque chose que tu refuses ou que tu n’arrives pas à voir.

Il te dit : “Attention, il y a un problème ici.” “Tu ne peux pas continuer comme ça.” “Cette situation te rend malade.” “Tu dois prendre soin de toi.”

Alors au lieu de vouloir faire taire ces symptômes à tout prix, au lieu de les considérer comme des ennemis, essaie de les écouter. Vraiment. De comprendre ce qu’ils viennent dire.

Ton corps n’est pas cassé. Il n’est pas défaillant. Il fait exactement ce qu’il peut avec ce qu’il a. Il exprime ce que tu ne peux pas dire. Il te protège à sa façon.

Maintenant, il est temps de lui apprendre qu’il peut se reposer. Que tu vas prendre le relais. Que tu vas trouver d’autres moyens d’exprimer ce qui ne va pas. Que tu vas mettre des mots là où il n’y avait que des douleurs.

Ça prend du temps. Ça demande du courage. Parce qu’il va falloir affronter ce que tu as enfoui. Mais c’est le seul chemin pour que ton corps arrête de hurler en silence.

Avance.


Références

Chercheurs cités :

  • Pierre Marty – École Psychosomatique de Paris, concept de “pensée opératoire”

Livres recommandés :

  • Quand le corps dit non – Gabor Maté
  • Le corps n’oublie rien – Bessel van der Kolk
  • Ces maux de ventre qu’on dit fonctionnels – Michel Delvaux
  • Troubles fonctionnels et somatisations – Pascal Cathébras

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auteur stephane briot
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