Quand ton corps parle une langue que tu ne comprends plus
Tu te réveilles avec cette boule familière dans le ventre. Pas vraiment de la tristesse. Pas exactement de l’angoisse. Juste… quelque chose. Un truc lourd, diffus, impossible à nommer. Tu passes ta journée à côté de toi-même, en pilote automatique, et le soir venu, tu te demandes :
“Mais qu’est-ce que je ressens, au juste ?”
Tu n’es pas seul·e. 95% des personnes qui passent mon bilan sont bloquées ou hésitantes. Et l’une des premières choses qu’elles me disent, c’est ça : “Je ne sais plus ce que je ressens.” Pas parce qu’elles sont insensibles. Pas parce qu’elles ne ressentent rien. Mais parce qu’à force de gérer, de tenir, de faire bonne figure, elles ont perdu la connexion avec leur monde intérieur.
Identifier tes vraies émotions, ce n’est pas un luxe de développement personnel. C’est retrouver un fil rouge quand tu te sens perdu·e dans le brouillard de ton propre ressenti.
Bienvenue dans l’enquête. Celle où on arrête de fuir ce qui bouillonne en dedans. Celle où on apprend à écouter, sans juger, ce que ton corps et ton cœur tentent de te dire depuis trop longtemps.
Pourquoi tu ne reconnais plus tes émotions (et pourquoi c’est normal)
Parce qu’on t’a appris à ne pas les écouter
Dès l’enfance, on t’a répété : “Arrête de pleurer”, “Ne te mets pas en colère”, “Tiens-toi bien”. Tu as appris que certaines émotions n’étaient pas les bienvenues. Alors tu les as enfouies. Tu as construit des murs. Tu as survécu en te coupant de ce qui faisait trop mal.
Comme le dit Spinoza : “C’est l’esprit qui décide de ce qui est inquiétant.” Ton mental a pris le contrôle. Il a étiqueté certaines émotions comme dangereuses. Et petit à petit, tu as cessé de les ressentir. Ou plutôt, tu as cessé de les reconnaître.
Marc Brackett, chercheur au Yale Centre for Emotional Intelligence, l’affirme dans ses travaux : nommer une émotion réduit déjà son intensité. Une étude de l’Université de Californie (Liberman et al., 2007) l’a prouvé par IRM : quand les participants mettaient des mots sur ce qu’ils ressentaient, l’activation de l’amygdale (la zone du cerveau liée aux émotions) diminuait. Comme si le simple fait de nommer apaisait déjà le chaos intérieur.
Mais pour nommer, il faut d’abord accepter de ressentir. Et ça, c’est ce qu’on t’a appris à ne pas faire.
Parce que tu es en mode survie depuis trop longtemps
Quand tu vis à 200 à l’heure, quand tu enchaînes les journées sans respirer, ton corps n’a plus le temps de te parler. Tes émotions deviennent un bruit de fond que tu ignores. Tu gères. Tu tiens. Tu avances.
Comme J., ce client de 34 ans, infirmier épuisé, qui m’a dit un jour : “Je croyais que changer l’extérieur allait suffire…” Il avait vendu sa maison, retapé un garage, changé de vie. Mais l’anxiété le rattrapait. Parce que l’intérieur n’avait pas encore fait la paix.
66.7% des personnes qui viennent me voir gèrent l’imprévu toutes seules. Elles trouvent des solutions. Elles sont résilientes. Mais elles sont épuisées de gérer. Elles voudraient kiffer, pas juste tenir.
Si c’est ton cas, sache que tu ne fais pas semblant d’avoir mal. Tu as juste oublié comment écouter ce qui fait mal.
Parce que certaines émotions se cachent sous d’autres
La colère, parfois, c’est de la tristesse qu’on n’ose pas montrer. L’irritation, c’est de la peur déguisée. L’engourdissement, c’est une défense contre un trop-plein.
Les émotions secondaires (comme la culpabilité, la honte, la frustration) sont souvent le fruit d’émotions primaires refoulées (peur, tristesse, colère). Moïra Mikolajczak, chercheuse en intelligence émotionnelle, l’explique dans ses travaux : ne pas identifier ses émotions impacte négativement la santé mentale, la santé physique et les relations sociales.
Tu ne sais plus ce que tu ressens ? Normal. Tu ressens peut-être plusieurs choses à la fois, et ton mental a renoncé à démêler tout ça.
Comment identifier ce que tu ressens vraiment (sans te mentir)
1. Arrête-toi. Vraiment.
Pas de méthode miracle. Pas de technique révolutionnaire. Juste ça : pose-toi.
Prends trois minutes. Assieds-toi. Ferme les yeux si tu peux. Respire. Et demande-toi : “Comment je me sens, là, maintenant ?”
Ne cherche pas à répondre tout de suite. Laisse monter. Observe. Sans juger. Sans corriger. Juste accueillir ce qui vient.
Marc Brackett recommande de faire cet exercice trois fois par jour pour développer une conscience émotionnelle. C’est comme un muscle : ça se travaille. Et plus tu le fais, plus tu deviens capable de discerner ce qui se passe réellement en toi.
2. Écoute ton corps (il sait avant ta tête)
Tes émotions ne sont pas juste dans ta tête. Elles sont dans ton ventre qui se serre, tes épaules qui pèsent, ta mâchoire qui se crispe, ton souffle qui s’accélère.
Le psychologue Paul Ekman a démontré que les émotions provoquent des manifestations physiques universelles : froncement des sourcils pour la colère, affaissement des épaules pour la tristesse, accélération du rythme cardiaque pour la peur.
Ton corps parle. Apprends à l’écouter.
Demande-toi :
- Où est-ce que je sens quelque chose dans mon corps ?
- C’est chaud ou froid ?
- C’est tendu ou relâché ?
- Ça monte ou ça descend ?
Séverine, 47 ans, vivait dans l’angoisse permanente depuis l’enfance. Elle m’a dit un jour : “Je veux juste pouvoir me poser sans que ça déborde à l’intérieur.” On a commencé par là. Par son corps. Par ses sensations. Pas pour tout comprendre d’un coup. Juste pour ne plus être étrangère à ce qu’elle vivait.
3. Donne un nom à ce que tu ressens
Voici l’exercice le plus simple et le plus puissant que tu puisses faire : nomme ton émotion.
Pas besoin d’être précis·e au début. Commence large :
- C’est agréable ou désagréable ?
- C’est intense ou léger ?
- Ça me donne envie d’agir ou de me replier ?
Ensuite, affine. Utilise le vocabulaire émotionnel. Ne te contente pas de “ça va pas”. Creuse.
Est-ce que c’est :
- De la peur (d’échouer, de décevoir, de perdre) ?
- De la colère (frustration, exaspération, sentiment d’injustice) ?
- De la tristesse (sentiment de perte, de vide, de manque) ?
- De l’anxiété (angoisse diffuse, anticipation négative) ?
- De la honte (sentiment d’être illégitime, pas à la hauteur) ?
- De la culpabilité (reproche envers soi-même) ?
Une étude sur la phobie des araignées a montré que les participants qui décrivaient leur anxiété avec des mots précis étaient mieux outillés pour la gérer la semaine suivante. Nommer, c’est déjà désamorcer.
4. Cherche le besoin caché derrière l’émotion
Toute émotion porte un message. Toute émotion pointe vers un besoin non satisfait.
Si tu ressens de la colère, c’est peut-être que ton besoin de respect, de reconnaissance ou de justice a été bafoué.
Si tu ressens de la tristesse, c’est peut-être que tu as besoin de douceur, de réconfort, de sens.
Si tu ressens de l’angoisse, c’est peut-être que ton besoin de sécurité, de clarté ou de contrôle n’est pas comblé.
Demande-toi : “Qu’est-ce que cette émotion essaie de me dire ? De quoi ai-je vraiment besoin ?”
Stephen, 45 ans, manager et père de deux enfants, vivait à l’adrénaline. Il m’a confié : “J’ai une vie qui tourne. Mais j’ai plus de moteur.” On a cherché ensemble ce qui manquait. Pas pour tout changer. Juste pour retrouver un peu d’espace. Un peu de souffle.
Ce que tu peux faire dès maintenant (sans attendre d’aller mieux)
Tiens un journal émotionnel (même 2 lignes)
Chaque soir, note :
- Ce que j’ai ressenti aujourd’hui
- Dans quelle situation
- Ce que mon corps a manifesté
Pas besoin d’analyser. Juste poser. Nommer. Laisser une trace.
Utilise la roue des émotions de Plutchik
Robert Plutchik a créé une roue des émotions avec 8 émotions de base qui se déclinent en intensité. C’est un outil visuel puissant pour t’aider à identifier ce que tu ressens quand les mots te manquent.
Tu peux l’imprimer, la garder près de toi, et t’y référer quand tu te sens perdu·e.
Parle à quelqu’un qui sait écouter (vraiment écouter)
Verbaliser tes émotions à voix haute change tout. Ça les rend réelles. Ça les sort de toi. Ça les pose entre toi et quelqu’un d’autre.
Mais attention : pas n’importe qui. Quelqu’un qui ne te corrige pas. Qui ne te juge pas. Qui accueille.
Gwenaëlle, 33 ans, mère de trois enfants, m’a dit un jour : “Je veux comprendre pourquoi j’ai du mal à faire partie d’un groupe.” On n’a pas cherché à la réparer. On a juste créé un espace où elle pouvait dire sa vérité. Sans honte. Sans peur.
Accepte que tu ne sauras pas toujours tout de suite
Parfois, tu ne comprendras pas tout de suite ce que tu ressens. Et c’est OK.
L’enquête sur toi-même n’est pas un sprint. C’est un chemin.
Comme le disait Nietzsche : “Deviens qui tu es.” Pas qui tu devrais être. Pas qui on attend que tu sois. Qui tu es, vraiment.
Et pour ça, il faut d’abord savoir ce que tu ressens. Vraiment.
Ce qui change quand tu reconnais enfin tes émotions
Tu arrêtes de les subir
Quand tu identifies ce que tu ressens, tu reprends du pouvoir. Tu passes de “je suis submergé·e” à “je ressens de l’anxiété, et je sais pourquoi”.
Ce n’est pas magique. Ça ne fait pas disparaître l’émotion. Mais ça change tout. Tu n’es plus ton émotion. Tu la ressens. Nuance.
Tu te comprends mieux (et tu comprends mieux les autres)
Marc Brackett l’affirme : il est impossible de comprendre les émotions des autres sans d’abord comprendre les nôtres. Quand tu développes ta conscience émotionnelle, tu deviens capable d’empathie. Pas par devoir. Par lucidité.
Tu retrouves un fil rouge
48.9% des personnes qui viennent me voir se demandent : “Qu’est-ce que je dois faire maintenant ?” Elles sont perdues. Elles ne savent plus où aller.
Mais souvent, ce n’est pas qu’elles n’ont pas de direction. C’est qu’elles ne savent plus ce qu’elles ressentent vraiment. Et sans ça, impossible de savoir ce qu’on veut.
Identifier tes émotions, c’est retrouver ta boussole intérieure. Celle qui te dit : “Oui, ça, ça me fait du bien. Non, ça, ça me vide.”
Un dernier mot (avant que tu repartes)
Tu ne sais plus ce que tu ressens ? C’est normal quand tu vis à côté de toi-même depuis trop longtemps.
Mais tu peux réapprendre. Pas en forçant. Pas en te battant contre toi-même. En écoutant. En accueillant. En nommant.
Comme le disait Spinoza : “La sagesse n’est pas de prier, mais de comprendre et d’accepter.”
Tu n’as pas besoin d’être “guéri·e” pour commencer. Tu as juste besoin de te poser. D’écouter. De nommer.
Et à partir de là, tout peut se reconstruire.
Si tu veux aller plus loin, si tu veux mener cette enquête avec quelqu’un qui sait écouter sans juger, qui pose les bonnes questions sans te brusquer, je suis là.
Bienvenue dans l’enquête. Celle où tu retrouves enfin ce que tu ressens vraiment.



