Je n’en parle pas. Alors ça n’existe pas.
Introduction : Le silence comme bouclier
Il s’est passé un truc.
Grave ? Peut-être. Flou ? Sûrement.
Un événement, une phrase, une nuit, un regard, une absence, un départ, un chaos.
Et depuis… tu n’en parles pas.
Tu fais comme si. Tu continues. Tu gères. Tu avances.
Sauf que non. Tu n’avances pas vraiment. Tu t’anesthésies.
Dans le miroir, rien ne bouge.
Mais dedans… ça remue.
Tu crois protéger ta paix.
Tu fabriques un déni pour survivre.
Mais à force de nier, tu t’éteins à petit feu.
Et pourtant, tu le sais : ce silence-là n’est pas de la force. C’est une fatigue déguisée.
Alors on va en parler. Doucement. Sans juger.
Pas pour t’obliger à ouvrir les vannes. Mais pour t’aider à voir ce que ce silence te coûte.
Et ce qu’il pourrait, peut-être, encore t’offrir.
Pourquoi on nie ce qu’on ressent
🧱 Une stratégie vieille comme l’enfance
Tu n’as pas choisi de te taire. Tu as appris.
Souvent très tôt. Dans un environnement où parler n’était pas une option sûre.
- Parce que quand tu disais « j’ai mal », on te répondait « t’exagères ».
- Parce que quand tu pleurais, on te disait « tu fais ton cinéma ».
- Parce que quand tu étais en colère, on t’a puni, ou pire : ignoré.
Alors tu as rangé. T’as plié la scène.
Tu t’es dit : “Si je n’en parle pas, ça passera.”
Et ça passe.
Mais pas sans trace.
Comme l’explique le psychologue Christophe André :
“Réprimer ses émotions, c’est comme mettre un couvercle sur une casserole en ébullition. Ça tient un moment, mais ça finit toujours par déborder.”
🎭 Pour sauver la face, on sacrifie la vérité
Se taire, c’est aussi éviter le malaise, la gêne, le jugement.
On préfère être perçu comme fort, stable, indépendant.
Alors on camoufle. On joue le rôle.
Et on oublie qu’à force de se contenir, on se déforme.
Tu te dis peut-être :
- “C’est pas si grave.”
- “Je vais pas embêter les autres avec ça.”
- “Ça sert à rien de remuer le passé.”
Mais tu ne remues rien.
C’est lui qui te remue, en douce, la nuit, dans tes gestes, tes absences, tes réactions disproportionnées.
Les avantages cachés du silence émotionnel
🧤 Oui, nier peut te protéger
Dans certaines phases de vie, nier ce qui s’est passé est une forme de survie.
Un sas. Un gel temporaire.
Comme le montre une étude de l’Université de Stanford (The Protective Role of Denial in Trauma Recovery, 2016), le déni peut permettre une digestion différée. Il laisse à ton esprit le temps de construire des ressources internes, avant d’affronter la réalité nue.
Tu fais comme si tout allait bien… le temps de te sentir assez solide pour constater que non, tout ne va pas bien.
Et ça, c’est ok.
Le danger, c’est de rester figé dans cette posture.
Parce qu’à long terme, ce n’est plus un gel. C’est un blocage.
🧊 Tu deviens ton propre mur
En t’empêchant de ressentir, tu t’empêches aussi de vibrer.
La joie, la surprise, l’envie… tout est filtré.
Tu deviens fonctionnel·le.
Pas vivant·e.
Et peu à peu, tu perds la capacité à savoir ce que tu ressens vraiment.
Tu réagis trop, ou pas du tout.
Tu exploses sans comprendre pourquoi, ou tu te détaches de tout.
Ce n’est pas de la maîtrise émotionnelle.
C’est de l’auto-asphyxie.
Les risques invisibles de l’évitement
⚠️ Ce que tu ne dis pas… se dit autrement
Ton corps, lui, ne ment jamais.
- Maux de dos
- Fatigue chronique
- Troubles du sommeil
- Irritabilité constante
Tout ce que tu refuses de ressentir se loge quelque part.
Le non-dit devient douleur.
Le refoulé devient tension.
Le silence devient poison lent.
Comme le rappelle Alice Miller, psychiatre et autrice de Le drame de l’enfant doué :
“Ce qu’on ne peut exprimer avec des mots s’imprimera dans le corps.”
🎢 Tu risques de perdre pied au pire moment
Le vrai problème, ce n’est pas de te taire aujourd’hui.
C’est que ce que tu refuses de regarder va frapper à la porte au moment où tu t’y attendras le moins.
Un reproche banal, et tu hurles.
Une remarque anodine, et tu fonds en larmes.
Parce qu’au fond, tu es saturé.e.
Comment sortir du mode “je nie donc je tiens”
🔍 Commence par reconnaître, même sans parler
Tu n’as pas besoin d’en parler tout de suite.
Mais reconnaître, oui.
- Oui, il s’est passé quelque chose.
- Oui, tu ressens encore des trucs, même flous.
- Oui, tu n’as pas les mots, mais tu sais que ce n’est pas “rien”.
C’est déjà un acte de lucidité.
Un premier pas vers la responsabilité émotionnelle.
Pas pour ressasser.
Pour reprendre la main sur ta vie intérieure.
✍️ Ouvre un espace sécurisé — même juste pour toi
Si tu ne veux pas (encore) en parler à quelqu’un, commence par écrire.
Un carnet. Une note vocale. Une lettre que tu n’enverras jamais.
Mets des mots. Même moches. Même brouillons.
Nommer, c’est désamorcer.
Pas pour revivre.
Pour retrouver du pouvoir.
👤 Entoure-toi d’un regard qui ne juge pas
Tu n’as pas besoin de conseils. Tu as besoin d’un miroir.
Quelqu’un qui écoute sans interrompre.
Un espace où tu peux dire sans devoir te justifier.
C’est ce qu’on crée ici.
Un lieu pour ne plus trahir ce que tu ressens.
Un lieu où la parole devient possible.
Et parfois, ça commence par un simple soupir. Un “j’en peux plus”. Un “je ne sais même pas ce que je ressens.”
C’est suffisant.
Tu n’as pas à tout dire. Mais tu n’as plus besoin de te taire.
Ton silence t’a protégé.e. Mais peut-être qu’aujourd’hui, il t’emprisonne.
Ce que tu refuses de regarder ne disparaît pas.
Ça grandit dans l’ombre.
Ça murmure dans ton sommeil.
Ça te fait douter, culpabiliser, t’épuiser.
Tu n’as pas besoin de tout ouvrir d’un coup.
Mais tu peux commencer par t’autoriser à sentir.
La douleur n’est pas dangereuse. Ce qui l’est, c’est de s’en couper.
📝 À pratiquer :
- L’écriture émotionnelle libre (15 min, sans filtre)
- Une phrase par jour : “Aujourd’hui, j’ai ressenti…”
- Lister les “je me suis tu.e quand…” pour voir ce qui s’accumule