Se délester pour avancer : un acte de courage
Ne pas vouloir voir
T’as pas envie. Pas envie de réfléchir. Tu veux juste te défaire de ce truc dans le ventre, dans la tête. Tu veux avancer, agir, du concret. Tu n’as pas de temps pour ces conneries.
Ou alors, t’as pas envie parce que tu sais déjà ce qui est là. Tu pressens que ça va faire mal. Et tu te protèges. Ce poison, tu le nies, mais il agit. Il t’intoxique depuis des années.
Et puis, il fait partie de toi. Tu le traînes depuis si longtemps qu’il est devenu une sorte de pilier bancal, une identité de secours.
Tu te dis : « Si je l’enlève, il me reste quoi ? » Ce qui fait peur, ce n’est pas la douleur. C’est l’idée de se retrouver nu, sans repère. Comme si lâcher le poids, c’était perdre une partie de soi.
Nietzsche avait déjà mis le doigt dessus : « Deviens qui tu es ». Mais pour devenir, il faut accepter de passer par ce vide. Accepter de regarder en face ce qui blesse.
Le piège de l’endurance
On croit souvent que tenir, c’est être courageux. Que serrer les dents, c’est de la force. C’est faux. Tenir, c’est survivre. Le courage, le vrai, c’est choisir un jour d’arrêter de porter ce qui nous écrase.
Prenons Marc, par exemple. Infirmier, il avait passé dix ans à donner, écouter, soigner. À l’extérieur, on le trouvait solide, calme, fiable. Mais à l’intérieur, il était en miettes. Fatigue chronique, crises d’angoisse, perte de sens. Il a fini par tout lâcher : sa maison, son travail, ses repères. Il croyait que changer l’extérieur suffirait. Mais même dans un garage rénové, entouré de silence, l’anxiété était là, intacte. Parce que l’intérieur, lui, n’avait pas encore trouvé la paix.
Puis il y a eu Adrien. Manager, père de famille, toujours en mouvement. Sa vie ressemblait à un tableau Excel : des cases cochées les unes après les autres. Tout semblait fonctionner. Mais il avait cette phrase, qu’il a fini par dire un jour, épuisé : « Je suis en train de réussir une vie que je ne supporte plus. » L’endurance, chez lui, c’était du poison lent.
Ces histoires disent toutes la même chose : tenir n’est pas suffisant. Comme le rappelle Viktor Frankl : « Celui qui a un pourquoi peut endurer presque n’importe quel comment ». La question n’est pas combien de coups tu peux encaisser. La vraie question, c’est : quel est ton pourquoi ?
La peur de se perdre
Pourquoi reste-t-on coincé ? Parce qu’on croit que lâcher, c’est perdre son identité. On s’accroche à nos blessures comme à une preuve d’existence. Elles sont douloureuses, mais elles nous définissent.
Spinoza disait que ce n’est pas la douleur elle-même qui nous enferme, mais le sens que notre esprit lui donne. Nous ne craignons pas tant la souffrance que le vide identitaire qui viendrait après.
C’est ce qu’a vécu Isabelle. Toute sa vie, elle avait joué la carte de la fiabilité, du silence, de la discrétion. Son identité, c’était : « Je tiens. ».
Quand elle est arrivée à un point de rupture, elle a eu cette peur viscérale : « Si je lâche, il restera quoi ? » Ce qu’elle a découvert, au fil du chemin, c’est que lâcher ne l’a pas effacée. Au contraire, ça l’a rendue plus vraie.
Tu ne disparais pas en laissant tomber tes fardeaux. Tu redeviens toi.
Transformer le courage en acte
Tu crois manquer de force ? Regarde en arrière. Tu as traversé des pertes, des humiliations, des trahisons. Tu as survécu. Si tu as tenu jusque-là, c’est que tu en as, du courage.
La psychologie le rappelle : la résilience n’est pas un don, c’est une compétence qui se cultive. Boris Cyrulnik, dans Un merveilleux malheur, explique que les personnes qui renaissent après le chaos ne sont pas celles qui fuient leurs blessures, mais celles qui leur donnent un sens nouveau. La douleur devient une matière première pour construire.
Ton énergie, tu peux la dépenser à endurer. Ou tu peux la réinvestir pour avancer. La différence se joue dans un acte conscient : décider que tu ne subiras plus. Que ton courage ne servira plus à encaisser, mais à créer.
Comment amorcer le mouvement ?
Tu n’as pas besoin d’un plan en 7 étapes. Tu as besoin d’un premier pas. Un seul.
- Nommer : écris ce qui pèse. Noircis une page entière si besoin. Tant que ça reste dans ta tête, ça tourne en boucle. Sur le papier, ça prend une forme, ça se pose.
- Partager : choisis une personne de confiance devant qui tu peux dire les mots sans filtre. Parler, c’est ouvrir une brèche.
- Agir petit : un geste, un seul. Dire non à une sollicitation, fermer un dossier, prendre une heure pour toi. La grandeur du courage n’est pas dans l’ampleur du geste, mais dans sa sincérité.
- Rappeler : tu n’es pas tes blessures. Tu es ce que tu choisis d’en faire.
Ces micro-actes deviennent une spirale. Ils ne changent pas tout d’un coup, mais ils ouvrent une direction.
Conclusion
Tu crois que lâcher, c’est disparaître. Mais lâcher, c’est renaître. Le vide que tu redoutes n’est pas dans ce que tu abandonnes : il est dans la vie que tu ne vis pas encore.
Nietzsche avait raison : « Le courage d’être soi est essentiel ». Et Frankl l’a confirmé : trouver un pourquoi change tout.
Alors regarde : tu n’as pas besoin d’attendre d’être prêt. On n’est jamais prêt. Tu as juste besoin d’un pas. Un pas courageux, minuscule peut-être, mais suffisant pour ouvrir la voie.
Et rappelle-toi : tu n’es pas en train de disparaître. Tu es en train de redevenir vrai.



