Explication ou Justification

stephane briot whyislife developpement personnel article 1080

Au travail, en couple : Comment arrêter de chercher la validation des autres

Le flagrant délit

C’est arrivé hier. Ou peut-être ce matin. Tu as dit « non ».

C’était un non légitime. Un non nécessaire. Un non pour te protéger, pour respirer, pour garder le peu d’énergie qu’il te restait. Mais tu ne t’es pas arrêté là. Le « non » est sorti, et immédiatement après, comme un réflexe de survie, tu as ouvert les vannes.

Tu as ajouté une phrase. Puis deux. Puis trois.

Prenons une scène de crime classique : l’invitation à dîner un vendredi soir où tu es lessivé(e).

Version A (L’Explication)

« Je ne viendrai pas ce soir. Je suis fatigué(e), j’ai besoin de repos. Amusez-vous bien. »

L’information est claire. Le ton est posé. C’est un fait.

Version B (La Justification)

« Je ne peux pas venir, je suis vraiment désolé(e)… Tu sais, en ce moment c’est la folie au boulot, mon chef m’a mis une pression dingue, et puis le petit a mal dormi, je suis sur les rotules. J’m’en veux de vous lâcher, vraiment, on se refera ça promis, ne m’en veux pas… »

Tu sens la différence ? Dans la version A, tu es un adulte qui informe un autre adulte. Dans la version B, tu es un enfant qui tend son carnet de correspondance à un parent sévère, en espérant ne pas se faire gronder.

Pourquoi fais-tu ça ?

Pourquoi as-tu l’impression de passer un oral de rattrapage à chaque fois que tu poses une limite ? On va mener l’enquête. Parce que cette confusion entre expliquer et se justifier n’est pas de la politesse. C’est une fuite. Une hémorragie d’énergie qui t’empêche, littéralement, de vivre ta vie.

1. La trousse de l’enquêteur : Comment savoir dans quel mode tu es ?

La frontière est fine. Parfois, on croit sincèrement qu’on donne du contexte à l’autre par respect. Mais il y a des indices qui ne trompent pas. Watson ne regarde pas seulement les mots, il regarde ce qui se passe en dessous.

L’indice émotionnel

Ton corps est un mouchard. Quand tu expliques, tu es ancré(e). Tes pieds sont au sol. Ton rythme cardiaque est stable. Tu donnes une information comme tu donnerais l’heure. Une fois la phrase sortie, tu passes à autre chose.

Quand tu te justifies, c’est physique. Ta voix monte légèrement dans les aigus ou s’accélère. Tu as ce besoin de remplir le vide.

Et surtout, après avoir parlé, tu as cette sensation désagréable, ce petit flottement au creux du ventre : « Est-ce qu’il m’a cru ? Est-ce que c’était assez ? Est-ce qu’il m’en veut ? »

L’indice relationnel

Qui tient le marteau du juge ? C’est le test le plus fiable. L’explication se fait d’égal à égal. « Je t’informe parce que je te respecte. » La justification se fait de dominé à dominant. « Je te donne mes raisons pour que tu valides mon droit d’agir. »

Fais le test du « Et si ? ». Imagine que ton interlocuteur te réponde : « Je trouve ta raison nulle. » Si tu as expliqué, tu penseras : « C’est ton avis, ça ne change rien à ma décision. » Si tu t’es justifié, tu seras blessé(e), paniqué(e), ou tu chercheras une autre raison, encore plus valable, pour le convaincre.

Tu vois le piège ? En te justifiant, tu donnes à l’autre le pouvoir de te condamner. Tu l’invites dans ton tribunal intérieur et tu lui tends le marteau.

2. Le Code de Procédure : Quand ouvrir le dossier (et quand le fermer)

Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit. Vivre en société, ce n’est pas être un mur de pierre. Il y a des moments où donner le contexte est nécessaire. Il faut juste savoir faire le tri entre le dossier administratif et la plaidoirie désespérée.

Quand DOIT-ON expliquer ? (Le factuel. )

On explique quand notre choix a un impact direct sur l’organisation de l’autre. Si tu es en retard au travail, tes collègues ont besoin de savoir quand tu arrives pour s’organiser. C’est de la logistique.

Si tu annules un week-end avec ton conjoint, il a besoin d’être rassuré sur tes intentions (« Ce n’est pas contre toi, c’est pour moi »). C’est du lien.

La règle d’or : On explique le QUOI (la décision) et le COMMENT (les modalités). On évite le POURQUOI profond si on sent qu’on cherche une validation.

Quand NE DOIT-ON PAS se justifier ? (L’intime)

Ici, c’est zone interdite. Tu n’as pas à déposer de dossier pour :

  • Tes besoins fondamentaux : Dormir, manger, avoir besoin de silence, aller aux toilettes (oui, même ça).
  • Tes émotions : « Je suis triste » est une phrase complète. Tu n’as pas à prouver que ta tristesse est légitime.
  • Tes limites : « Je ne veux pas » se suffit à lui-même.

Retiens ceci : un besoin ne se négocie pas. Il se constate.

3. Les 3 Scènes de crime

Allons voir sur le terrain comment ça se manifeste concrètement. J’ai ouvert les dossiers de plusieurs personnes que j’accompagne (les noms ont été changés, évidemment) pour te montrer que tu n’es pas seul(e) à plaider coupable.

Scène 1 : Au bureau – Le syndrôme de l’imposteur

Marc est un bosseur. Un type solide. Mais dès qu’il doit partir à 17h30 pour gérer un truc perso, il panique. Au lieu de dire : « Je pars à 17h30, le dossier est sur ton bureau, à demain », il s’embourbe. « Je dois y aller, désolé, c’est exceptionnel, ma femme ne peut pas récupérer le petit, mais j’ai avancé sur le projet X, je regarderai mes mails ce soir… »

L’erreur : En faisant ça, Marc passe du statut de professionnel compétent à celui de fautif qui demande une faveur. Il diminue sa propre autorité. La correction : Rester sur les faits. « Je pars maintenant. Tout est prêt pour demain. » Point. La compétence n’a pas besoin d’excuses.

Scène 2 : Dans le couple – L’amour n’est pas un juge d’instruction

Sophie aime son mari. Mais parfois, elle n’a juste pas envie. Pas envie de parler, pas envie de sexe, pas envie de sortir. Pendant des années, elle a inventé des migraines, des fatigues extrêmes, des excuses scénarisées pour justifier son besoin de solitude. Elle avait peur qu’il pense qu’elle ne l’aimait plus. Résultat ? Elle culpabilisait de mentir, et lui sentait bien que c’était faux, ce qui créait de la distance.

La vérité : Dans un couple sain, le besoin de l’autre est une information à respecter, pas une offense personnelle. « J’ai besoin d’être seule une heure » n’est pas une attaque contre l’autre. C’est un acte de préservation pour mieux revenir vers l’autre ensuite. Se justifier, c’est douter de la capacité de l’autre à entendre notre vérité.

Scène 3 : Le Cold Case (L’enfance) – L’origine du réflexe

C’est souvent là que tout a commencé. Regarde Angélique. Enfant, elle était la « bête noire ». Elle devait se faire toute petite. Pour elle, parler, exister, c’était déjà prendre un risque. Elle a appris que pour ne pas se faire engueuler, il fallait avoir une très bonne raison d’être là. Si tu te reconnais là-dedans, sache que ce réflexe de justification est un mécanisme de survie archaïque. C’est l’enfant en toi qui essaie d’amadouer un adulte effrayant.

Mais regarde autour de toi aujourd’hui. Le parent sévère n’est plus là. Ton patron n’est pas ton père. Ton conjoint n’est pas ta mère. Tu es adulte. Tu es en sécurité. Tu as le droit d’avoir tes raisons, et tu as le droit de les garder pour toi.

Le verdict : Le plaisir du silence

Arrêter de se justifier, ce n’est pas devenir arrogant. C’est récupérer ton énergie vitale. Imagine toute la bande passante mentale que tu utilises pour construire tes plaidoiries, pour anticiper les objections, pour vérifier si l’autre a validé ton excuse. C’est épuisant. C’est du bruit constant.

Quand tu arrêtes de te justifier, tu crées du silence. Et c’est là, exactement là, que tu peux recommencer à vivre. C’est quand tu n’as plus besoin d’expliquer pourquoi tu aimes regarder la pluie tomber, ou pourquoi tu ne veux pas sortir ce soir, que tu peux enfin savourer le moment.

Tu peux retrouver du plaisir dans la banalité du quotidien simplement parce que tu arrêtes de le commenter, de l’analyser, de l’excuser. Tu es là. Ça suffit.

Ton défi pour la semaine : Le Point Final. La prochaine fois que tu dois refuser quelque chose ou exprimer un besoin, fais une phrase courte. Et mets un point. Pas de « parce que ». Pas de « désolé mais ». Pas de « tu comprends ». Juste un point. Et respire dans le silence qui suit. Tu verras, le monde ne s’écroulera pas. Mais toi, tu te relèveras.

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