Tu tiens debout. Mais en dedans, t’es en lambeaux.
Tu sais quoi ? Avant même de parler de tempêtes, de traumas, de charges mentales, je veux que tu souffles. Juste un instant. Parce que oui, t’es là. Vivant. Debout. Mais ça, c’est juste l’extérieur. Dedans, c’est autre chose. Dedans, t’es las, t’es éreinté, t’es foutu comme un vieux jean trop lavé. Et faut être honnête : t’en as juste ras-le-cul. Mais vraiment.
Et je ne vais pas t’enfoncer avec une morale à la con. Je ne vais pas te dire « faut positiver » ou « regarde le côté lumineux ». Non. Je suis là, avec toi, dans le vrai. Dans ce vrai qui pique.
Tu sais, ce moment où le moindre truc devient un putain de mur. Tu vas bosser ? Bouchons. Métro blindé. Le bus encore en retard. Le collègue qui soupire. Le partenaire qui s’agace pour une fourchette mal rangée. L’ado qui râle parce qu’il manque du fromage. Les factures qui tombent comme une pluie acide. La météo qui te fait un doigt d’honneur.
Et ton corps, hein ? Ton corps qui ne récupère plus, qui te lâche, qui fait nuit blanche sur nuit blanche. Oui, t’es vivant. Mais t’es usé, esquinté, lessivé jusqu’à l’os.
Et c’est normal. Ce que tu ressens est normal. L’épuisement, ça t’arrache la perception. Ça te bouffe ton énergie psychique. Ça transforme tout en montagne. Pas parce que t’es fragile. Pas parce que t’es faible.
Mais parce que ton système nerveux est cramé. Et quand ton système nerveux est cramé, tu ne choisis plus, tu réagis. Point. Ce n’est pas un manque de volonté. C’est juste humain.
Quand tu luttes contre tout, tu luttes surtout contre toi
On t’a appris qu’il fallait tenir. Être solide. Contrôler. Mais c’est quoi cette connerie culturelle qu’on t’a foutue dans le crâne ? Contrôler le monde ? Sérieux ?
Même les mecs qui dirigent des pays ou des entreprises colossales ne contrôlent pas le monde. Trump veut plier le réel. Musk veut jouer à dieu. Poutine, Xi Jinping… tous rêvent de contrôler. Et pourtant, ils se cognent les uns aux autres. C’est le bordel. C’est la preuve ultime : personne ne contrôle rien, sauf peut-être la façon dont il respire face à l’orage.
Spinoza l’a dit des siècles avant nous : “Ce n’est pas les choses qui nous troublent, mais l’idée qu’on s’en fait.” Et Frankl a enfoncé le clou : “Quand tu ne peux plus changer la situation, tu peux encore choisir ton attitude.”
Mais voilà : pour choisir ton attitude, faut d’abord arrêter de se battre en aveugle. Tant que tu te débats contre ce qui est, tu t’écorches. Tant que tu râles, tant que tu geins, tant que tu pestes, tu renforces exactement ce contre quoi tu lances tes coups de poing.
Et attention, je ne te juge pas. Tu as le droit de râler. On a tous ce droit. C’est même une manière primitive de décharger ce trop-plein d’émotions.
Mais tu connais la vérité : ça ne fait rien disparaître.
Ça te bouffe de l’énergie, ça te met en mode “lutte”, ça brouille le regard, ça assombrit tout le reste. Et pendant que tu rages, le problème, lui, reste assis, peinard, les bras croisés. Ce n’est pas toi qui le fatigues. C’est lui qui te vide.
Et ce cercle-là, il t’enferme dans une honte silencieuse, une angoisse latente, une perte de sens progressive. Tu finis par croire que la vie, c’est juste survivre à tout ça.
Que le chemin, c’est ce champ de mines. Que l’avenir sera pareil. Que le présent est foutu. Que ton courage est parti. Alors qu’en vrai, il est juste enterré sous la fatigue.
Accepter, ce n’est pas renoncer. C’est arrêter l’hémorragie.
Là, je veux que tu respires. Parce que ce qui vient n’est pas une gifle. C’est une main sur ton épaule.
Accepter, ça ne veut pas dire « laisser tomber ». Ça ne veut pas dire « subir ». Ça ne veut pas dire « faire semblant ».
Accepter, c’est juste arrêter de se cogner la tête contre un mur en espérant qu’il s’écroule. C’est desserrer le poing.
C’est dire : « OK, voilà où j’en suis. Voilà ce qui est là. Et je n’ai pas besoin de me casser en deux pour le nier. »
Tu sais ce que dit l’ACT (la thérapie d’acceptation et d’engagement) ? La lutte inutile amplifie la souffrance. L’acceptation la rend vivable. Et parfois… transformable.
Accepter, c’est une attitude. Une présence. Une lucidité. Nietzsche l’appelait « aimer son destin ». Pas par masochisme. Par liberté.
Parce que quand t’arrêtes de résister à ce qui est déjà en face de toi, tu récupères de l’énergie. De la vraie. La seule qui peut t’aider à changer quelque chose.
Et c’est là que ton choix entre en jeu. Mais pas avant.
Pas quand t’es à terre. Pas quand ton corps brûle de fatigue. Pas quand ton esprit hurle.
- Tu peux choisir ta direction uniquement quand tu as repris un peu de souffle.
- Tu peux choisir ton attitude uniquement quand tu as cessé de t’écorcher.
- Tu peux choisir ton chemin uniquement quand tu as arrêté de confondre la vie et la guerre.
Ce choix-là, il n’est pas magique.
- Il est progressif.
- Il est fragile.
- Il est humain.
C’est un acte conscient. Un mouvement intérieur. Une micro-décision. Mais c’est ton mouvement. Ta force. Ta liberté d’être. La seule qui soit vraiment tienne.
Alors, on fait quoi ? On avance. Même d’un millimètre.
Tu ne vas pas changer le monde. Tu ne vas pas apaiser ton partenaire en claquant des doigts. Tu ne vas pas arrêter la pluie. Tu ne vas pas empêcher les bouchons. Tu ne vas pas faire disparaître les factures.
Mais tu peux reprendre ta place, millimètre par millimètre.
Comment ?
Déjà : tu reconnais que t’es fatigué
Pas faiblard. Pas cassé. Juste fatigué.
Et ça, bordel, c’est noble. C’est légitime. C’est humain.
Ensuite : tu arrêtes de croire que tu dois tout porter
L’authenticité, ce n’est pas “gérer”.
C’est dire “j’en peux plus” sans honte.
C’est le début de la résilience, la vraie.
Puis tu observes
Ton mental, ton cœur, ton corps.
Tu regardes ce qui te draine.
Tu regardes ce qui t’éclaire encore un peu.
Tu regardes ce qui te donne un souffle, même minuscule.
Et enfin : tu choisis un petit geste.
Un micro-changement.
Un truc qui te rend présent.
Un truc qui te redonne cohérence.
Un truc qui nourrit ton humanité.
Un truc qui te fait avancer, même d’un centimètre.
C’est comme ça qu’on se relève.
Pas en hurlant « je dois changer ! »
Pas en jouant les héros.
Pas en serrant les dents jusqu’à s’en briser les mâchoires.
On se relève en reprenant son souffle. En s’acceptant. En lâchant la lutte inutile. En choisissant, doucement, lucidement, volontairement, un acte conscient. Parce que c’est ça, la liberté intérieure. C’est ça, la transformation durable. C’est ça, ton pouvoir réel.
Pas changer le monde. Te changer toi, dans ta manière de le traverser.
Et putain, ça suffit déjà à tout bousculer.



